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Peut-on me déshériter ?



Réforme en droit de successions

Une importante réforme du droit des successions et des libéralités a été annoncée. Le 1er septembre 2018, la loi du 31 juillet 2017 modifiant le Code Civil en ce qui concerne les successions et les libéralités et modifiant diverses autres dispositions en cette matière entrera en vigueur.

Les familles classiques venant à disparaitre et les familles recomposées venant à se multiplier, le temps était venu de mettre en place un droit adapté aux situations familiales d’aujourd’hui.
Un bref aperçu des nouveautés :

a) Les descendants :La réserve globale des descendants est aujourd’hui de la moitié du patrimoine du défunt et ce, peu importe le nombre d’enfants[1]. La réserve des descendants est donc à compter du  1er septembre 2018 :

  • 1 enfant :la réserve de l’enfant est de la moitié du patrimoine du défunt
  • 2 enfants :la réserve de chaque enfant est d’un quart du patrimoine du défunt
  • 3 enfants : la réserve de chaque enfant est d’un sixième du patrimoine du défunt.


La moitié restante constitue une quotité disponible fixe. C’est-à-dire que le défunt en fait ce qu’il veut !!

Cette diminution de la réserve héréditaire procure plus de liberté au défunt qui pourra disposer de la moitié de son patrimoine quel que soit le nombre d’enfants. Il pourra par exemple avantager son partenaire de vie (conjoint, cohabitant légal, compagnon,..), un de ses enfants, neveu ou encore gratifier une œuvre caritative.
 

Cette réserve des descendants doit est comprise comme une réserve globale au niveau des opérations d’imputation des libéralités[2]. Par conséquent, le défunt peut disposer plus librement de la quotité disponible puisque les donations en avance d’hoirie qu’il aura consenties de son vivant seront imputées sur la réserve globale des enfants, soit sur la moitié de la succession et non plus sur la réserve individuelle du descendant donataire.
 

b) Les ascendants :La réserve est supprimée et une créance alimentaire est créée au profit des ascendants dans le besoin au moment ou en raison du décès. Cette créance prend la forme d’une rente ou d’un capital et elle est à charge de la succession. Elle ne peut excéder le quart de la succession et le montant est déterminé en tenant compte de l'espérance de vie du créancier[3].
 

c) Les conjoints survivants :il n’y a pas de modifications majeures. La réserve du conjoint survivant se compose toujours d’une réserve abstraite (= usufruit de la moitié de la succession) et d’une réserve concrète (usufruit portant sur l’immeuble affecté au logement familial et sur les meubles qui le garnissent).
 
S’il n’y a pas de modifications majeures, l’article 915 bis du Code civil (droits du conjoint survivant) connait toutefois un léger toilettage :

  • La réserve concrète s’étend désormais au droit de bail portant sur l’immeuble affecté au logement familial ;
  • Le conjoint ne peut plus solliciter la réduction d’une donation consentie par le défunt antérieurement au mariage. Il ne pourra pas non plus retirer un avantage de la réduction qui serait sollicitée par les descendants du défunt ;
  • Le conjoint survivant peut toujours être privé de ses droits par testament si les époux sont séparés depuis plus de 6 mois lors du décès du défunt et qu’ils ont sollicité une résidence séparée. Cette possibilité est étendue à l’hypothèse où une demande en divorce pour désunion irrémédiable est introduite ;
  • La désignation d’un légataire universel constitue désormais une présomption réfragable de la volonté du défunt de priver le conjoint survivant de ses droits ;
  • Lorsque le conjoint est en concours avec des héritiers réservataires, sa réserve sera imputée par priorité sur la quotité disponible et le surplus seulement, sur la part successorale réservée aux héritiers.


Ce choix opéré par le législateur a pour objectif de préserver au maximum la réserve des descendants de l’usufruit du conjoint survivant et par conséquent, de limiter les litiges entre les beaux-parents et enfants d’un premier lit. S’il est vrai que la réserve des descendants est diminuée, elle sera cependant constituée, dans la mesure du possible, d’une part en pleine propriété[4].


d) Réserve en valeur :la réserve en nature est remplacée par une réserve en valeur. Autrement dit, le temps de l’insécurité juridique est révolu. Si les héritiers peuvent aujourd’hui exiger le retour en nature des biens donnés dans la succession lorsque leur réserve est entamée, tel ne sera plus le cas à compter du 1 septembre 2018[5]. La réduction en nature est une entrave à la liberté de disposer du défunt.


e) Renonciation à l’action en réduction : Désormais, les héritiers réservataires ne pourront plus demander la réduction d’une donation lorsqu’ils y ont renoncé par une déclaration unilatérale dans l'acte de donation ou postérieure à celui-ci[6]. Cette renonciation est personnelle et n’empêchera pas les autres héritiers réservataires de solliciter la réduction.


Face à tous ces changements, il y a lieu de rester vigilant et d’éventuellement réexaminer la planification successorale déjà mise en place  afin de garantir au mieux la volonté du défunt mais également la paix au sein de la famille.

Revoyez ce qui a été fait… ou faites sans attendre ce que la loi permet…
 

Pour la SPRL TROXQUET – LAMBERT
Lauren BOURSEAU
Master en notariat

[1]Article 913 nouveau du Code civil.
[2]Article 922/1 §2 nouveau du Code civil.
[3]Article 205bis du Code civil.
[4]Journal des tribunaux n° 6720.
[5]Article 920 nouveau du Code civil.
[6]Article 918 nouveau du Code civil.