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Loi du 31.05.2017: responsabilité décennale des entrepreneurs, architectes et autres prestataires



Obligation d'assurance

A partir du 01.07.2018, soit dans moins d’un an, chaque prestataire du secteur de la construction (architecte, entrepreneur, bureau d’études…) sera tenu de disposer d’une assurance couvrant sa responsabilité décennale, répondant aux conditions minimales prescrites par la loi du 31.05.2017.
 
Les conséquences d’un éventuel défaut d’assurances ne sont que partiellement définies par la loi nouvelle puisque celle-ci prévoit au stade actuel, « uniquement » une sanction pénale en son article 14.

Il est toutefois fort probable que sur le plan civil, la nullité de la convention conclue pourra également être invoquée par le maître de l’ouvrage lésé, avec pour corollaire l’obligation pour le non-assuré de restituer les sommes perçues dans le cadre de l’exécution de la convention.
 
La présente contribution a donc pour objectif de vous permettre de comprendre la loi nouvelle et de déterminer l’étendue des obligations prescrites par la loi du 31.05.2017.

 
1. Origine de la loi nouvelle ;

Dans un arrêt du 12.07.2007, la Cour Constitutionnelle avait relevé l’existence d’une discrimination entre d’une part, les architectes, qui étaient tenus de souscrire une assurance couvrant leur responsabilité décennale et les entrepreneurs, qui n’étaient pas tenus par cette même obligation.
 
La Cour précisait d’ailleurs dans son arrêt ;

« qu’en ce que les architectes sont le seul groupe professionnel du secteur de la construction à être légalement obligé d’assurer sa responsabilité professionnelle, cette responsabilité risque, en cas de condamnation in solidum, d’être, plus que celle des autres professionnels, mise en œuvre, sans qu’il existe pour ce faire de justification objective ».
 

Plusieurs projets de lois ont dès lors été soumis en vue de supprimer la difficulté dénoncée par la Cour et c’est in fine la loi du 31.05.2017 qui a été adoptée.
 
 
2.  Etendue de l’obligation d’assurance responsabilité décennale ;

La loi nouvelle impose donc aux entrepreneurs de souscrire une assurance couvrant leur responsabilité civile décennale visée par l’article 1792 du Code Civil, pour une durée minimale de 10 ans à compter de la réception des travaux.

La loi impose une couverture minimale équivalent, par sinistre ;

-          À une somme de 500.000 euros lorsque la valeur des travaux excède cette somme,
-          À la valeur de reconstruction de l’immeuble objet des travaux, lorsque sa valeur est inférieure à 500.000 euros
 

Outre cette obligation prépondérante, la loi nouvelle impose également une série d’obligations connexes dont ;

-          La communication d’une attestation d’assurance au maître de l’ouvrage et à son architecte avant d’entamer les travaux,

-          L’obligation de remettre, à première demande et sur chantier, copie de cette attestation en cas de contrôle.
(Il sera donc bon de mettre celle-ci à disposition de vos ouvriers qui se rendent sur chantier).

-          L’obligation de transmettre cette attestation d’assurance à l’ONSS pour l’entrepreneur tenu d’enregistrer les déclarations de travaux visées à l’article 30bis§7 de la loi du 27.06.1969.

 
Enfin, il y a lieu d’ajouter que la loi comporte une alternative théorique à cette obligation d’assurance qui consiste à constituer un cautionnement, présentant les mêmes garanties que l’assurance obligatoire.

Les conditions concrètes ce cautionnement doivent cependant encore être fixées par arrêté royal de sorte qu’en pratique, cette possibilité n’est pas encore effective.

 
3. Champ d’application de l’obligation d’assurance de la responsabilité décennale ;
 
-          Pour qui ?

Le champ d’application ratione personnae de la loi est particulièrement large puisqu’elle précise qu’elle s’applique aux entrepreneurs, architectes et « tout autre prestataire de services ».

Cette troisième catégorie est définie comme ;

 « toute personne physique ou morale, autre que le promoteur immobilier, qui s'engage à effectuer, pour le compte d'autrui, moyennant rémunération directe ou indirecte, en toute indépendance mais sans pouvoir de représentation, des prestations de nature immatérielle relatives à un travail immobilier donné sur des habitations situées en Belgique. (Il s'agit de travail immobilier pour lequel l'intervention de l'architecte est obligatoire en vertu de l'article 4 de la loi du 20 février 1939 sur la protection du titre et de la profession d'architecte) »


Il s’agit très clairement là d’une catégorie résiduaire visant à englober les acteurs « périphériques » à la construction d’un immeuble et en particulier les bureaux d’études et, très probablement, les coordinateurs santé / sécurité.
 
-          Pour quels travaux ?

Les travaux pour lesquels l’assurance responsabilité décennale est rendue obligatoire sont les travaux de construction ou de rénovation réalisés sur une habitation, en Belgique.


Une habitation au sens de la loi du 31.05.2017 peut se définir comme ;

«  un bâtiment destiné au logement soit un bâtiment ou une partie de celui-ci, maison unifamiliale ou appartement, qui dès l’entame des travaux est, par sa nature, destiné totalement ou principalement à être habité par une famille et dans lesquelles se déroulent les activités du ménage »

Sont donc exclus les bâtiments destinés au commerce, les bureaux ou les logements collectifs.

Sont également exclus les bâtiments qui n’étaient pas, à l’entame des travaux, affectés à l’habitation.

Ainsi, un changement d’affectation en cours de réalisation des travaux ne devra, en principe, avoir aucune incidence sur la détermination de l’obligation de souscription d’une assurance responsabilité décennale.

Concernant les immeubles mixtes, (c’est-à-dire ceux qui comprennent dans un logement privé qu’une partie professionnelle), il ressort des travaux préparatoires qu’il est nécessaire que 50% au moins de la surface soit affectée aux activités du ménage pour tomber sous le champ d’application de la loi.
 
-          Pour quelle durée ?

La couverture doit être souscrite pour une période minimale de 10 ans, à compter de l’agrégation des travaux.
 
La loi ne précise cependant pas si le point de départ commence à courir à compter de la réception  provisoire ou définitive
 
Il sera donc nécessaire d’être particulièrement attentif à la convention à conclure et/ou au libellé de vos conditions générales (et surtout, à leur opposabilité à votre client) afin de convenir de la prise de cours à la date de la réception provisoire des travaux.


4.       Quelles sanctions en cas de violation ?

Deux sanctions, cumulatives, sont possibles en cas d’infraction à la présente législation ;

D’une part, une sanction pénale instaurée par l’article 14§5 de la loi, laquelle consiste en une amende de 26 à 10.000 euros, avec un système d’avertissement préalable.

D’autre part, une sanction civile, qui découle non pas de la loi nouvelle mais des principes généraux du droit et en particulier du caractère d’ordre public de la loi du 31.05.2017 qui permettra très certainement au maître de l’ouvrage confronté au défaut d’assurance de l’un de ses cocontractant, d’invoquer la nullité de la convention.
 
Nous vous invitons donc à prendre contact rapidement avec votre assureur et/ou courtier afin de vous assurer que vous serez en ordre à la date du 01.07.2018 au regard des conséquences particulièrement lourdes précédemment énoncées.
 

 

 

Pour la SPRL TROXQUET-LAMBERT & PARTENAIRES
Lora MERAHI
juillet 2017